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Lysistrata Média

À Roland Garros, les tenniswomen restent absentes des night sessions

Comme en 2024, aucun match féminin n’a été programmé en night sessions. L’affiche de la soirée a, une nouvelle fois, fait la part belle aux hommes.

Alors que Loïs Boisson, sensation de ce Roland Garros 2025, s’apprête à rentrer sur le court pour son quart de finale face à Mirra Andreeva, le plateau de France Télévision s’écharpe sur le sujet night sessions. Comme l’an dernier, les tenniswomen sont absentes de ces affiches de fin de soirée, considérées comme une horaire d’exposition. Une nouvelle fois, Sabalenka, Swiatek, Gauff ou Paolini n’ont apparemment pas leurs places sur ce créneau prime time du tournoi parisien. Un sujet houleux sur lequel la fédération se montre bien silencieuse.  Et alors que les consultants de la chaîne du service public prônent une parité dans ces matchs, Alizée Cornet, ancienne joueuse française, entourée d’intervenants masculin, ironise, « une night session serait déjà pas mal ». L’ancienne numéro 11 mondiale rit jaune.  

C’est en tout cas un sujet qui attise une frustration dans le tableau féminin. La première à monter au créneau, c’est l’ancienne numéro 2 mondiale Ons Jabeur. Éliminée au premier tour, sa contre-performance a été largement éclipsée par ses déclarations sanglantes, mais pleines de sens. Tout en ciblant l’invisibilisation du sport féminin vis-à-vis du tableau masculin, elle évoque : « une honte de la part de la fédération, une honte de la part du diffuseur d’avoir signé un tel contrat. Beaucoup de grandes joueuses méritent d’être là ». Mais la tunisienne est loin d’être la seule à partager ce ressenti. La numéro une mondiale Aryna Sabalenka est, elle aussi, montée au créneau, après avoir disputé un quart de finale dans le court Phillipe Chatrier presque vide. La championne biélorusse pointe du doigt une planification très désavantageuse. 

Manque de stars, manque de temps ?

Mais alors, pourquoi l’organisation perpétue cette politique, tandis que seulement 4 rencontres féminines ont eu lieu en night session depuis l’instauration de cette programmation en 2021 (11 matchs sont programmés à l’année sur le tournoi) ? Deux arguments communs reviennent très fréquemment. Le premier est un peu farfelu et revient continuellement quand on évoque l’invisibilisation du sport féminin. Certains spécialistes pointent du doigt le manque de stars sur la scène féminine. Il est vrai que, sur la dernière décennie, Serena Williams, Maria Sharapova, Caroline Wozniacki ou encore Ana Ivanovic ont atteint une renommée mondiale, qui a même pu dépasser les frontières du tennis. Mais la scène masculine est, elle aussi, dans la transition d’une de ses périodes les plus fastes. Les mastodontes Nadal, Federer, Murray ou Tsonga ne sont plus sur le circuit, et Novak Djokovic est, à 38 ans, le seul survivant de cette génération. La jeunesse est certes talentueuse, mais il en est de même chez les dames. Iga Swiatek a, depuis 2020, une emprise sur le tournoi parisien, avec quatre victoires à son actif. À  24 ans, elle est largement dans les temps pour battre le record des sept titres obtenus par l’Américaine Chris Evert. De plus, la coqueluche Lois Boisson, dernier représentant français en simple, est sûrement la belle surprise du tournoi. Une sensation qui n’a pas bénéficié des conditions optimales pour être suivie par le plus grand nombre.

Le deuxième argument qui est souvent mis sur la table est la longueur des matchs. En effet, les rencontres féminines se jouent en deux sets gagnants, contre trois pour les garçons. C’est d’ailleurs ce qu’expliquait la directrice du tournoi Amélie Mauresmo en amont, dans les colonnes de Ouest France : « C’est prendre le risque de mettre un match qui peut durer moins d’une heure dans l’absolu. Je trouve ça un peu rude. On sait qu’un match masculin durera au moins entre une heure et demie et deux heures car il y a au moins trois sets. » Certes, mais cette logique vient au détriment d’une incertitude plus affirmée dans ces affiches. Depuis le début du tournoi, seules deux rencontres nocturnes sont allées au 5ème set décisif. Et si on enlève le premier tour, on tombe même à zéro, la moitié étant expédiée en trois manches. L’incertitude temporaire ne doit pas occulter la qualité d’un match. Lors des quarts de finale du tableau féminin, les participantes sont restées sur le court durant approximativement 2 heures (119 minutes pour être exact). Chez les hommes, il atteint 142 minutes, avec cet avantage de jouer plus longtemps. Une différence, finalement, pas si énorme. 

Un conflit d’intérêt télévisuel 

Mais le comble, c’est que le diffuseur Amazon souhaitait en programmer une, de soirée réservée au tennis féminin. Comme le révèle le média américain The Athletic, l’affiche entre Lois Boisson et Jessica Pegula, troisième mondiale, intéressait la chaîne digitale. Alors qu’habituellement, il n’y a pas foule au portillon pour se disputer les droits, cette fois, la concurrence est plus féroce. Intéressée, la plateforme du milliardaire Jeff Bezos a reçu un refus de la part de l’organisation du tournoi. La raison ? Laisser la dernière française en clair sur France Télévision. Une décision louable, mais pour la placer en tout début de journée, considéré unanimement comme la pire horaire, dans une arène au trois quarts vide en début de match. La direction du tournoi est sous le feu des projecteurs, et Amélie Mauresmo est particulièrement scrutée par rapport à cette question. Ce qui n’empêchera pas le tournoi de terre battue d’offrir une superbe finale entre les deux meilleures joueuses du circuit, Aryna Sabalenka et Coco Gauff. Et d’élire une nouvelle reine à la porte de Saint-Cloud.