Le DJing et l’informatique sont deux mondes très majoritairement masculins. Pourtant, à la croisée des chemins, des femmes sont les nouvelles têtes d’un genre méconnu : le “LiveCoding”.
Elles s’appellent DJ_Dave, Switch Angel ou encore Charstiles, et ce sont les nouvelles reines du LiveCoding. Sur TikTok, elles cumulent des dizaines voire des centaines de milliers de vues en mixant… au clavier. Le terme anglais “LiveCoding” désigne, en informatique musical, l’art consistant à programmer à la volée une pièce musicale et/ou visuelle. Plus simplement, ici, il s’agit de coder de la musique. Les algorithmes sont au centre de la performance et ils sont manipulés en continu pour modifier les sonorités. L’ordinateur devient alors l’instrument du musicien. Les morceaux joués en live ne se ressemblent jamais puisque ce genre musical a la particularité d’être improvisé.
La forme la plus visible de ce mouvement se trouve dans les “Algoraves”. Contraction du mot “algorithme” et “rave”, il s’agit de soirées ressemblant à des “rave party” puisqu’on y joue de la musique électronique, à la différence que tous les artistes y font du LiveCoding. Pas de platines, pas de sampler : juste un ordinateur et un clavier pour faire bouger la foule. Comme dans une rave party, le DJ se sert de multiples lumières pour accompagner le son. Sauf qu’ici, il projette son écran derrière lui. Une manière pour les spectateurs d’observer la performance, bien qu’elle ne soit déchiffrable que par les initiés.
Où sont les femmes derrière les platines ?
D’après une étude de Wodj Magazine, en 2018, 91 % des artistes bookés dans les grands clubs français étaient des hommes. Les femmes, les personnes non-binaires et les groupes mixtes se partageaient les 9 % restants. À l’international, le tableau est un petit peu plus rose. Selon une étude menée par le réseau Female pressure, la proportion d’artistes électroniques féminins dans les grands festivals internationaux est passée de 9,2 % en 2012 à 24,6 % en 2019. Même si les femmes commencent à se faire une place dans la musique électronique, il reste du chemin à faire.
Le monde de la musique électronique est encore considéré comme un “Boys club”. Les premiers DJ qui viennent à l’esprit du grand public sont souvent des hommes : David Guetta, DJ Snake ou encore Martin Garrix. Peu citeront des femmes de talent comme The Blessed Madonna, Charlotte de Witte ou encore Peggy Gou. Face à ce milieu encore trop masculin, certaines s’organisent. À l’image du collectif “Écoute Meuf” qui organise des soirées à la programmation 100 % féminine.
Les reines du LiveCoding : double bug dans le système
Depuis leur logiciel, DJ_Dave et ces DJ de la tech écrivent des programmes et les modifient à une vitesse ahurissante. Mais dans le monde de la musique, comme dans le monde de l’informatique, elles restent des ovnis. Selon l’INSEE, en 2023, les femmes ne représentaient que 24 % des emplois dans les professions numériques en France. Même s’il convient de noter que ce chiffre a progressé de 5 points en trois ans. Mais le problème est plus profond. Dans l’enseignement supérieur, seuls 23 % des candidats qui s’orientent vers des formations numériques sont des femmes. 76 % des lycéennes perçoivent même l’informatique comme un métier masculin. Pourtant, les femmes ont façonné l’informatique tel qu’on le connaît aujourd’hui. À l’image d’Ada Lovelace, première programmeuse et inventrice du premier algorithme.
Dans un double milieu hostile aux femmes, ces figures d’un mouvement underground peuvent devenir les idoles d’une génération aspirant à autre chose. Encore faut-il leur donner la reconnaissance et la scène qu’elle mérite. Les hommes qui trustent les têtes d’affiches et les membres des jurys de sélection ne sont pas les seuls leviers. Ce sont nous, ceux qui écoutent, regardent, dansent ou même codent. Peut-être est-il temps de faire remarquer aux festivals, aux clubs, que le talent n’est pas une question de genre.