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Lysistrata Média

« Oser partir seule » : Juliette Hamon nous parle de liberté et d’émancipation

Après deux ans de tour du monde, Juliette Hamon sort son livre Oser partir seule ! Le guide pour les aventurières qui voyagent en solitaire aux éditions Larousse, dans lequel elle donne des conseils et rassure les femmes qui voudraient se lancer dans l’aventure en solitaire.

Est-ce vraiment plus dangereux pour une femme de partir seule en voyage ? Peut-on aujourd’hui réussir à faire le tour du monde sans avion ? Toute femme en quête d’aventures bas carbone se sera déjà posé ces questions, à moins qu’elles viennent de son entourage. En plein tour du monde, Juliette Hamon connue sur les réseaux sociaux par le pseudonyme @labretonneenstop a pris le temps d’écrire LE guide de conseils dont on rêve toutes et tous. A l’occasion de la sortie de son livre Oser partir seule ! Le guide pour les aventurières qui voyagent en solitaire, Lysistrata s’est entretenu avec la jeune aventurière de 27 ans. Si dans son livre, on apprend comment éviter le tourisme de masse ou encore voyager bas carbone en stop, on y apprend aussi et surtout qu’être une femme n’empêche en rien de rêver et même de vivre la grande aventure comme on l’entend.

Pour Juliette Hamon, partir seule facilite les rencontres. ©DUFA Devyatov

Lysistrata : Quelle est votre définition d’une aventurière ?

Juliette Hamon : On a tendance à toujours avoir une idée très précise de l’aventure comme si c’était forcément partir dans l’extrême, dans un désert, en autonomie pendant des jours. Pour moi, c’est vraiment plus une expérience personnelle. On se permet de faire quelque chose d’un peu extraordinaire pour nous-même, qui nous challenge et qui nous demande de lâcher prise.

Pensez-vous que le fait d’être une femme a un impact considérable sur votre expérience de voyage ? 

C’est ce que je dis un peu dans le livre, ce n’est pas tant le fait que je sois une femme qui change mon expérience du voyage, c’est le fait que je sois perçue comme telle par le regard extérieur. Il y a plein de témoignages d’aventurières ou de femmes qui se sont déguisées en hommes et qui ont témoigné que ça changeait leur expérience du voyage. Je pense que c’est le fait que je sois perçue comme une femme, principalement, qui joue.

Être une femme a un impact, malheureusement. Mais ça a un impact avant même que l’aventure commence, sur la perception qu’on a d’une fille qui veut voyager seule. Toutes les peurs qu’on va lui transmettre, la façon dont on va réagir face à une femme qui dit qu’elle veut partir seule. Déjà, en amont du projet, il y a beaucoup de choses qui se génèrent, qui engendrent des peurs, qui ensuite peuvent aussi conditionner la façon dont le voyage se passe.

Mais alors, est-ce vraiment plus dangereux pour une femme de voyager seule ? 

Dans tous les cas, dans la société, il y a des dangers pour les femmes. Pour moi, ce n’est pas forcément le fait de voyager qui met les femmes en danger, c’est juste le fait d’être une femme dans la société, dans le monde. J’avais envie de parler de ça, de témoigner, peut-être aussi de lever un peu des idées reçues. En tout cas d’être assez transparente sur mes expériences et de partager des ressentis, pour lever des peurs. Le fait de lire des témoignages permet quand même, mentalement, de se préparer et de savoir quoi anticiper. Le fait d’avoir les informations permet aussi de partir en étant beaucoup plus sereine.

Mon rêve serait qu’il n’y ait plus besoin des guides comme le mien. Mais pour l’instant, j’ai l’impression que c’est encore des témoignages qui sont utiles pour que des femmes puissent un peu s’éloigner de tous les schémas sociétaux qui nous conditionnent.

Comment vous rassureriez une femme qui veut partir mais qui n’ose pas parce qu’elle est une femme ?

Mon conseil serait de relativiser le risque dans un premier temps. Statistiquement si on regarde les données le risque il est autour de nous quand on est dans les foyers en tant que femme, et dans notre entourage. Le voyage n’est pas forcément l’espace où il y a plus de dangers finalement. ça peut paraître alarmiste quand je parle de risque mais je ne veux vraiment pas le présenter d’un point de vue à faire peur. L’idée est que le risque est là, on l’accepte, on en prend connaissance et ensuite on y va. 

L'objectif de Juliette Hamon est de ne pas prendre l'avion. La jeune aventuriere a pu voyager à bord de van, voiture de particuliers ou encore bateau. ©Juliette Hamon

L’idée, c’est d’y aller petit à petit. C’est peut-être passer une nuit dans son jardin en tente qui peut être déjà une première étape. Et une expérience hyper forte si on n’a jamais campé. 

Je rajouterai aussi que c’est normal d’avoir peur. C’est normal et c’est peut-être justement ce qui va nous donner l’élan nécessaire pour se lancer dans des projets qui nous donnent envie.

Est-ce que vous avez une anecdote, une expérience dans laquelle être une femme, au contraire, vous a aidé ? 

Ce qui est drôle, c’est que paradoxalement, je ne sais pas si c’est le fait d’être seule, mais j’ai vraiment l’impression que, globalement, être une femme m’a très peu pénalisée. C’est comme s’il y avait un peu un statut particulier de voyageuse. 

Généralement, il y a quand même beaucoup de curiosités sur le fait que je sois une femme qui fasse du stop toute seule, dans plein d’endroits où les gens ne s’y attendent pas. Parfois des femmes s’arrêtent et me disent : « Oh, mais je vais faire preuve de sororité. Si ma fille faisait du stop, je ne voudrais pas qu’elle soit toute seule. Donc, normalement, je ne prends jamais aucun auto-stoppeur mais pour toi, je me suis arrêtée. »

J’ai l’impression que ça m’ouvre même encore plus de portes. Je ne sais pas si c’est moi qui extrapole. Par exemple, quand j’étais au Pakistan, j’ai été invitée à beaucoup de mariages. Et il y avait notamment plein d’endroits où c’était les femmes qui se préparaient entre elles avant que la fête commence. Et j’avais accès à cette intimité de femmes. Mais comme j’avais aussi le statut d’invitée, généralement, j’allais aussi pouvoir aller avec les hommes qui buvaient leur thé. 

Je mets une petite parenthèse. Ça reste peut-être aussi comme un privilège d’occidentale. C’est que c’est toujours difficile de savoir à quel point ça influence. Je pense que le fait d’être une femme, dans tous les cas, m’ouvre beaucoup de portes.

Pour les femmes voulant voyager seules, il existe plusieurs forums et groupes Facebook comme "oser voyager seule". ©Juliette Hamon

Et si vous deviez raconter une rencontre ou une expérience qui a été empreinte de féminisme que vous avez vécu depuis votre départ, ce serait laquelle ? 

J’ai rencontré tellement de femmes qui m’ont inspirée. Celle qui me vient maintenant, c’est une jeune fille pakistanaise de 16 ans qui milite pour l’environnement. Les locaux  la considèrent un peu comme la Greta Thunberg du Pakistan. J’ai eu une conversation avec elle, et dans cette discussion on n’a pas à proprement parler de féminisme mais des risques qu’elle prenait pour défendre l’écologie et les droits des femmes au Pakistan. Ça m’a vraiment touchée. 

Je me suis dit que j’avais envie de donner de la visibilité à toutes ces femmes que je rencontre, qui oeuvrent pour leurs droits, pour plein de choses comme l’environnement et qui ont parfois peu de visibilité par rapport à tout ce qu’elles font et à des femmes occidentales. C’est un élan de féminisme, un élan de sororité, que j’ai eu en parlant avec elle.