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Lysistrata Média

Marie Albert, portrait d’une d’activiste « par plaisir »

A l’occasion de la sortie de son livre Le guide féministe de la rando solo paru le 8 mai aux éditions Voyages Gallimard, Lysistrata a rencontré la journaliste Marie Albert.

Sur son blog, Marie Albert se définit  comme aventurière, journaliste et autrice féministe. On dit que pour bien connaître une personne, il faut regarder sa bibliothèque. Dans le cas de Marie Albert, il faut écouter ses podcasts. 

Dans son podcast Sologamie, Marie Albert raconte sans filtre ses relations amoureuses, explique comment elle a survécu au capitalisme ou encore parle tout simplement de son corps. Et que ça fait du bien d’entendre parler sans détour de santé féminine à travers des thèmes comme les infections urinaires, les règles ou le “pipi” et le “caca”. 

Mais Sologamie est bien plus qu’un podcast à la première personne. De Tara Lacroix à Anua en passant par Sharone, Marie Albert donne la parole aux femmes sur leur vécu du célibat. “Je me suis intéressée au sujet du célibat pour voir jusqu’où on peut aller dans la solitude”. 

75 infanticides en France en 2024

En plus de ses podcasts (Solomagie et Marie Sans Filtres), Marie Albert compte depuis 2020 les infanticides en France. Tout commence sur le chemin de Compostelle en 2019. Pendant sa marche, la randonneuse dédie chaque jour à une victime de féminicide. C’est lors d’une conversation avec sa mère que l’idée germe dans l’esprit de Marie Albert. Alors qu’elles parlent du nombre de féminicides, sa mère s’étonne : “c’est bizarre qu’il n’y ait pas de décompte des infanticides. On ne sait pas combien il y a d’enfants tués. Il doit y en avoir beaucoup. »

Marie Albert a créé son "Survivor Tour".

“On est obligé en tant que militante de reprendre ce genre de décompte.”

Si au début Marie Albert effectue son décompte seule, à partir d’articles de presse, elle a depuis été rejointe par le collectif de lutte contre les violences faites aux enfants et aux ados Enfantistes. “C’était important pour moi de visibiliser les violences faites aux enfants. Les infanticides sont toujours classés dans les faits divers et on ne les rapproche jamais les uns des autres. Donc on ne se rend pas compte que c’est systémique. En France, il n’y a pas d’organisme public qui compte les infanticides. De même qu’avant il n’y avait pas d’organisme public qui comptait les féminicides. On est obligé en tant que militante de reprendre ce genre de décompte”.

Survivor Tour 

Son militantisme, Marie Albert le place également dans sa pratique de la randonnée. Depuis 2020, la jeune journaliste marche le long des côtes et frontières françaises, par étapes, dans le cadre du Survivor Tour. 

C’est sur le chemin de Compostelle alors qu’elle cherche un sens à sa pratique de la randonnée, que Marie Albert imagine le Survivor Tour. “J’ai réalisé que je ne connaissais pas si bien que ça mon pays et que ce serait intéressant de faire le tour de la France le long des côtes et des frontières.

Plus tard, chez moi à Paris, j’ai eu l’idée d’un tour de France d’une survivante puisque j’ai subi des violences sexistes et sexuelles. Ainsi, j’ai eu l’idée du Survivor tour, un tour de France contre les violences sexistes. Pendant ma marche, je me réapproprie l’espace public en tant que femme seule et je me défends des potentielles violences sexistes que je pourrais subir sur le chemin. Le fait de dormir seule en tant que femme dans la forêt, dans l’espace public, c’est un message fort qui choque et qui n’est encore pas normal aujourd’hui.

“Personne ne va venir me violer ou m’assassiner.”

Si l’idée de partir seule en forêt pour randonner ou même bivouaquer peut inquiéter plus d’une femme, dans son livre Le guide féminisite de la rando solo Marie Albert donne ses conseils pour dépasser sa “peur du grand méchant loup”. Vaincre ses peurs est avant tout une question d’habitudes. “J’ai dormi dans le jardin de mes parents la première fois, avec ma tante. Après, je suis allée dans une forêt à côté de chez mes parents.” se souvient la randonneuse.

Franchement, pendant des semaines, voire des mois, je ne dormais pas bien. Mais j’ai continué. Et puis là, ça fait cinq  ans et maintenant, j’ai plus peur. Les peurs, sont des informations. Il faut juste savoir ce qui est rationnel ou pas. Le grand méchant loup ne l’est pas. Il n’y a pas d’humains dans la forêt la nuit. Personne ne va venir me violer ou m’assassiner.

Ainsi, le premier conseil que donne Marie Albert est de partir proche de chez soi et de savoir s’orienter sans téléphone. Ce n’est pas la distance qui fait la randonnée, mais le plaisir de marcher. 

Retrouver le plaisir 

Le plaisir a une place importante dans la pratique de Marie Albert. La journaliste parle d’activisme “par plaisir”. Cette notion vient du livre The Politics of Pleasure d’Adrienne Mare Brown. Il s’agit du travail conscient pour récupérer le droit au plaisir, bien trop souvent enlevé aux minorités.

Cette forme de résistance politique revendique l’idée que ressentir de la joie, de la satisfaction et de l’épanouissement n’est pas un luxe mais un élément fondamental de la justice sociale. Pour Marie Albert, “pour les personnes minorisées c’est important de se réapproprier ce droit-là.

Je parle de la randonnée comme d’une forme de révolution puisque si les femmes, les personnes minorisées, randonnent davantage pour leurs plaisirs, ça offre des représentations aux autres et ça nous fait sortir du quartier habituel, du foyer, de la famille et du travail. J’estime que les randonnées peuvent être un bon moyen de se réapproprier ce droit au plaisir.